| | La Fontaine, Jean de (1621-1695) | |
| | Auteur | Message |
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solène Bien
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 31/08/2006
| Sujet: La Fontaine, Jean de (1621-1695) Mer 8 Nov - 8:32 | |
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LA BESACE
Livre premier.
Jupiter dit un jour : Que tout ce qui respire S'en vienne comparoître aux pieds de ma grandeur : Si dans son composé quelqu'un trouve à redire, II peut le déclarer sans peur : Je mettrai remède à la chose. Venez, singe; parlez le premier, et pour cause. Voyez ces animaux, faites comparaison De leurs beautés avec les vôtres. Êtes-vous satisfait? — Moi, dit-il; pourquoi non? N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres? Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché : Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché ; Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre. L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'alloit plaindre. Tant s'en faut : de sa forme il se loua très-fort; Glosa sur l'éléphant, dit qu'on pourroit encor Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles; Que c'était une masse informe et sans beauté. L'éléphant étant écouté, Tout sage qu'il étoit, dit des choses pareilles : Il jugea qu'à son appétit Dame baleine étoit trop grosse. Dame fourmi trouva le ciron trop petit, Se croyant, pour elle, un colosse. Jupin les renvoya s'étant censurés tous, Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous Notre espèce excella; car tout ce que nous sommes, Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes. On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain. Le fabricateur souverain Nous créa besaciers tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière. Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
La Fontaine, Jean de (1621-1695) LA BESACE Source : Chefs-d'œuvre de la littérature française. Œuvres complètes de La Fontaine. Garnier Frères. 1872.
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| | | solène Bien
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 31/08/2006
| Sujet: Re: La Fontaine, Jean de (1621-1695) Mer 13 Déc - 10:29 | |
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L'HOMME ET SON IMAGE
Un homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde : Il accusoit toujours les miroirs d'être faux, Vivant plus que content dans son erreur profonde. Afin de le guérir, le sort officieux Présentoit partout à ses yeux Les conseillers muets dont se servent nos dames : Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands, Miroirs aux poches des galants, Miroirs aux ceintures des femmes. Que fait notre Narcisse? Il va se confiner Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer, N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure. Mais un canal, formé par une source pure, Se trouve en ces lieux écartés : Il s'y voit, il se fâche; et ses yeux irrités Pensent apercevoir une chimère vaine. Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau. Mais quoi! le canal est si beau Qu'il ne le quitte qu'avec peine.
On voit bien où je veux venir. Je parle à tous; et cette erreur extrême Est un mal que chacun se plaît d'entretenir. Notre âme, c'est cet homme amoureux de lui-même : Tant de miroirs, ce sont les sottises d'autrui, Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes; Et quant au canal, c'est celui Que chacun sait, le Livre des Maximes.
Source : Chefs-d'œuvre de la littérature française. Œuvres complètes de La Fontaine. Garnier Frères. 1872. Livre premier. POUR M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD | |
| | | solène Bien
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 31/08/2006
| Sujet: Re: La Fontaine, Jean de (1621-1695) Mer 13 Déc - 10:38 | |
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LE LOUP ET L'AGNEAU
La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un agneau se désaltéroit Dans le courant d'une onde pure. Un loup survient à jeun, qui cherchoit aventure, Et que la faim en ces lieux attiroit. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l'agneau, que votre majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'elle ; Et que par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson. Tu la troubles ! reprit cette bête cruelle ; Et je sais que de moi tu médis l'an passé. Comment l'aurois-je fait si je n'étois pas né? Reprit l'agneau; je tette encor ma mère. — Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. —Je n'en ai point. — C'est donc quelqu'un des tiens; Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts Le loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès.
Source : Chefs-d'œuvre de la littérature française. Œuvres complètes de La Fontaine. Garnier Frères. 1872. Livre premier. | |
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| Sujet: Re: La Fontaine, Jean de (1621-1695) | |
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